Les interactions élastiques peuvent augmenter (et non diminuer !) la vitesse des dislocations

Comment les expériences de déformation in situ peuvent contribuer à affiner les calculs de DDD

18 octobre 2024

La déformation plastique durcit les matériaux par un processus décrit par la loi de Taylor, qui suppose une contrainte interne moyenne. Dans notre étude, en utilisant la microscopie électronique à transmission in situ, nous avons constaté que cette loi ne fonctionne pas à basse température. Nos résultats montrent que le mouvement des dislocations est entraîné par des pics de contrainte localisés, et que le mouvement coopératif entre les dislocations vis peut conduire à des vitesses élevées inattendues et à un durcissement négatif.

Les métaux et autres matériaux cristallins sont considérablement durcis par une forte déformation plastique. Ce processus d’écrouissage résulte de la multiplication intense des dislocations qui se bloquent mutuellement en raison de leurs interactions élastiques. Le durcissement est souvent décrit par une « contrainte interne » moyenne qui augmente avec la déformation plastique (loi de Taylor). Cette description approximative a été récemment améliorée par la méthode de la dynamique des dislocations discrètes (DDD) qui implique le calcul de toutes les interactions individuelles et l’évolution ultérieure de l’ensemble de la sous-structure sous contrainte.

Dans notre travail basé sur des expériences de déformation in situ dans un microscope électronique à transmission qui permet d’observer directement le mouvement des dislocations sous contrainte entre 95K et 1500K, nous avons montré que même ces calculs complexes ne sont pas suffisants dans les métaux à structure cubique centrée (BCC) comme le fer et les aciers ferritiques déformés à basse température.

Nous avons en effet étudié toutes les interactions possibles entre les dislocations dans le fer BCC à différentes températures, et les résultats montrent que le concept de contrainte interne moyenne n’est pas adapté pour décrire les situations réelles. Par exemple, la vitesse d’une dislocation vis n’est pas déterminée par sa contrainte moyenne, mais par la contrainte locale la plus élevée le long de sa ligne. Les dislocations vis en interaction de différents types peuvent également se déplacer de manière coopérative à une vitesse élevée, jusqu’à dix fois leurs vitesses individuelles non couplées (figure), ce qui conduit à un effet de durcissement fortement négatif, résultant des composantes tangentielles des contraintes d’interaction qui n’avaient pas été prises en compte auparavant. Ces comportements inattendus seront utilisés pour améliorer les futurs calculs de DDD.


Fig. : Dislocations se déplaçant sous contrainte dans le fer à 110K. Les deux images (a) et (b) sont séparées par 12s. L’image différentielle (c)=(a)-(b) montre que la croix formée par les deux dislocations couplées 1 et 2 s’est déplacée sur une distance beaucoup plus grande (flèche) que toutes les autres dislocations individuelles.

Contact :
Daniel Caillard | daniel.caillard[chez]cemes.fr

Publication :
Elastic interactions between screw dislocations in iron
D. Caillard
Modelling Simul. Mater.
Sci. Eng. 32 (2024) 035027
DOI : https://doi.org/10.1088/1361-651X/ad29b0

 

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