La valse lente des ions argent dans la silice amorphe

Piégés dans le verre : comment les défauts ralentissent les ions d’argent

17 novembre 2025

Comment les ions argent traversent une couche de silice amorphe ? Des simulations de dynamique moléculaire assistées par apprentissage automatique montrent qu’ils avancent par sauts irréguliers, parfois piégés par des défauts tels que des atomes d’oxygène sous-coordonnés. Cette cartogra-phie atomique de leur parcours ouvre la voie à des revêtements antibactériens dont le relargage des ions peut être finement contrôlé, optimisant ainsi efficacité et durabilité.

Les revêtements de surface à base de nanoparticules d’argent recouvertes de silice présentent des propriétés antimicrobiennes particulièrement prometteuses. Mais comment les ions d’argent (Ag⁺), responsables de cet effet, se déplacent-ils à travers la fine couche de silice qui les recouvre ? C’est à cette question qu’une équipe du CEMES a répondu grâce à la simulation numérique et à l’intelligence artificielle.

Les chercheurs ont réalisé des simulations de dynamique moléculaire basées sur des potentiels d’interaction entraînés par réseau de neurones. Ce potentiel permet de suivre, à l’échelle ato-mique, les mouvements d’un ion argent au sein d’une matrice de silice amorphe – un matériau désordonné constitué de tétraèdres connectés par les sommets.

Résultat : la diffusion de l’argent n’est pas «normale». Loin de se déplacer de manière régulière, l’ion progresse par sauts irréguliers, parfois longuement piégé avant de repartir. L’origine de ce comportement, dit sous-diffusif, peut être principalement imputée à la nature désordonnée de la matrice de silice et a été attribuée à une décélération et à des anticorrélations temporelles. De plus, cette dous-diffusion est amplifiée par la présence de défauts de coordination au sein de la silice. Ces défauts, en particulier les atomes d’oxygène sous-coordonnés, agissent comme des pièges pour Ag+, en formant des liaisons O-Ag, limitant ainsi la longueur des sauts et retenant l’ion pendant de longues durées. Par comparaison avec les modèles de diffusion existants, le méca-nisme de diffusion en l’absence de défauts est du type mouvement brownien fractionnaire. En comparant différents échantillons de silice, les chercheurs ont montré que plus la silice présente des défauts, plus la diffusion d’Ag+ est ralentie. De plus, les chemins de diffusion durant les sauts correspondent à des zones de plus faible densité atomique locale.

Ces résultats ouvrent des perspectives concrètes. En ajustant la densité ou le nombre de défauts dans la couche de silice, il serait possible de contrôler la vitesse de libération des ions Ag+et donc l’efficacité et la durée d’action des revêtements antibactériens. Une avancée prometteuse pour le design de matériaux intelligents et durables.

Ce travail est soutenu par l’ANR BENDIS “Interaction of biological targets with solid dielectric layers consisting of silver nanoparticles embedded in silica matrices: Towards tailored antimicro-bial surfaces”.

Contacts :
Magali Benoit | magali.benoit[chez]cemes.fr
Nathalie Tarrat | nathalie.tarrat[chez]cemes.fr

Publication :
Evidence and origin of anomalous diffusion of Ag+ ion in amorphous silica: A molecular dynamics study with neural network interatomic potentials,
S. Trillot, N. Tarrat, N. Combe, P. Benzo, C. Bonafos, and M. Benoit
J. Chem. Phys. 162 (2025) 104701
DOI : https://doi.org/10.1063/5.0251120

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