Émergence de règles de sélection « atomiques » dans la diffusion inélastique d'électrons libres

Des faisceaux d’électrons libres comme nano-sources de lumière multipolaire

1er décembre 2025

Dans ce travail, nous avons développé un formalisme quantique basé sur des opérateurs d’échelle permettant la description de la diffusion inélastique d’un faisceau d’électrons libres structuré par une cible arbitraire (par exemple, un matériau nanostructuré, une molécule, etc). Cela nous a permis de transposer plusieurs concepts macroscopiques conventionnellement employés en optiques—tels que le dichroïsme—à l’échelle fortement sous-longueur d’onde.

Pousser la spectroscopie optique à l’échelle fortement sous-longueur d’onde est une problématique centrale en science des matériaux et un axe de recherche fondamental en nano-optique depuis les dernières décennies. Cet effort technique a – en particulier – été abordé par le domaine de la microscopie électronique.
En effet, il a été démontré que l’analyse de l’énergie perdue par un faisceau d’électron après son interaction avec un échantillon fournit la même information que la spectroscopie d’extinction optique (A. Losquin et al, Nano Lett. 15, 2015), néanmoins avec une bien meilleure résolution spatiale (sub-Angström). Pourtant, contrairement à la spectroscopie optique, cette technique appelée spectroscopie de perte d’énergie des électrons (EELS) souffre d’une limitation essentielle : l’absence d’un degré de liberté de polarisation.

Comment produire un analogue de polarisation optique dans un faisceau d’électrons libres ? Cette question a fait l’objet d’intenses recherches au cours des dix dernières années. À la suite d’une série de travaux fondateurs (voir par exemple A. Asenjo-Garcia & F. J. García de Abajo, Phys. Rev. Lett. 113, 2014), une approche fut proposée en 2021 (Lourenço-Martins et al., Nat. Phys. 17, 2021) : il est possible d’encoder une polarisation optique dans un faisceau d’électrons en façonnant et en post-sélectionnant l’amplitude et la phase de son front d’onde.
Ce schéma expérimental – appelé Phase-Shaped EELS (PSEELS) – est maintenant une technique établie et permet de réaliser des expériences de spectroscopie optique polarisée jusqu’à l’échelle atomique et, ainsi, d’explorer des questions fondamentales telles que la nature de la chiralité optique à l’échelle la plus fondamentale. D’un point de vue théorique, la question semble donc tranchée : les électrons et les photons sondent la même physique.

C’est ici que notre travail entre en jeu : nous avons démontré qu’en considérant des fronts d’onde plus complexes, le PSEELS peut aller plus loin que simplement « imiter » la polarisation optique mais permet de sonder une famille infinie de degrés de liberté inaccessibles avec les techniques optiques de champ lointain. De manière schématique, nous avons fournis les conditions dans lesquelles le faisceau d’électrons d’un MET se comporte comme une nano-source de lumière portant un pur moment quadrupolaire, octupolaire, … etc.

Contacts :
Hugo Lourenço-Martins | hugo.lourenco-martins[chez]cemes.fr
Simon Garrigou | simon.garrigou[chez]gmail.com

Publication :
Atomiclike Selection Rules in Free Electron Scattering
S. Garrigou & H. Lourenço-Martins
Physical Review Letters 134, 256902 (2025)
DOI : https://doi.org/10.1103/l2y2-99jx 

Related Posts