L’interaction entre structure et pigments produit la diversité de couleurs des élytres
26 juin 2025
Longtemps considérée comme due à la présence exclusive de pigments, notamment caroténoïdes et mélanine, la couleur des coccinelles est en réalité produite par un ensemble de mécanismes complexes. Cette étude révèle que l’architecture des élytres à l’échelle micro et nanométrique peut sélectionner les longueurs d’onde réfléchies, contribuant ainsi à la couleur perçue. La mise en évidence d’une contribution structurale à la couleur des coccinelles ouvre de nouvelles perspectives en biologie évolutive et sur l’interprétation des signaux liés à la coloration.
Cette étude, récemment parue dans la revue interdisciplinaire PLOS ONE et faisant l’objet d’un Highlight de la revue, remet en question l’idée selon laquelle la coloration des coccinelles (Coccinellidae) résulte uniquement de pigments tels que les caroténoïdes ou les mélanines. En s’appuyant sur deux espèces modèles, Adalia bipunctata (L.) et Calvia quatuordecimguttata (L.), les chercheurs ont démontré que la microstructure des élytres contribue également à la production de la couleur.
Menée par une équipe multidisciplinaire composée de physiciens du groupe NeO du CEMES, d’écologues du CRBE et de chimistes des substances naturelles du laboratoire PHARMA -DEV, l’étude combine des approches d’optique, de microscopie électronique en transmission et de simulations numériques pour modéliser l’interaction entre la lumière et la microarchitecture des élytres. Les résultats révèlent que certaines longueurs d’onde sont sélectionnées par la structure elle-même, générant ainsi des couleurs spécifiques. Deux mécanismes physiques ont été identifiés : l’interférence par des multicouches à pas variable dans l’exocuticule, et la diffusion incohérente par des concavités micrométriques à la surface.
Parallèlement, les pigments ont été étudiés à une échelle locale grâce à la spectroscopie Raman, complétée par l’analyse UHPLC–HRMS et des approches métabolomiques. Ces méthodes ont permis de localiser certains pigments et de révéler des différences marquées dans la composition chimique des élytres des deux espèces. Ces différences influencent leurs propriétés optiques et contribuent à la diversité des colorations.
Ces résultats suggèrent que les élytres doivent être envisagés comme des milieux optiques complexes, où l’architecture et les propriétés des matériaux constituant l’élytre, matrice et pigments, interagissent pour produire la coloration perçue. Cette approche intégrative offre un nouveau cadre pour comprendre la diversité chromatique des coccinelles et son rôle potentiel dans la signalisation écologique. L’étude souligne aussi l’importance, en écologie évolutive, d’associer les analyses génétiques à l’étude des structures tégumentaires, et non seulement à celle des pigments.
Contact :
Marzia Carrada | marzia.carrada[chez]cemes.fr
Publication :
Decoding ladybird’s colours: Structural mechanisms of colour production and pigment modulation
M. Carrada, M. Haddad, L. M. San-Jose, G. Agez, J.-M. Poumirol, and A. Magro
PLOS ONE 20(6) (2025) e032464
DOI : https://doi.org/10.1371/journal.pone.0324641