Étude de magnétorésistance non-collinéaire par transport quantique ab initio
26 février 2024
Les skyrmions magnétiques, structures de spin chirales stabilisées topologiquement, sont apparus comme une voie prometteuse pour réaliser des dispositifs spintroniques de nouvelle génération. Un chercheur du groupe MEM du CEMES-CNRS, en collaboration avec l’Université de Kiel (Allemagne) vient de découvrir une nouvelle méthode pour détecter des skyrmions à l’aide d’un courant électrique.
Dans leur article fondateur paru il y a dix ans, Albert Fert et ses collaborateurs ont été les premiers à proposer l’utilisation des skyrmions dans des mémoires de type “racetrack”. Aujourd’hui, de nombreuses autres applications potentielles des skyrmions sont explorées, allant des dispositifs logiques à l’informatique neuromorphique ou quantique. Un prérequis essentiel pour la plupart de ces applications est d’être capable d’une détection fiable des skyrmions individuels.
En 2020, les skyrmions magnétiques ont été découverts dans des matériaux bidimensionnels (2D) de van der Waals (vdW) atomiquement minces, offrant un terrain de jeu idéal pour pousser la technologie des mémoires à base de skyrmions jusqu’à la limite d’une couche atomique unique.

Figure 1 : (a) Les jonctions tunnel verticales avec électrodes non magnétiques proposées pour la lecture électrique des skyrmions dans des aimants 2D vdW (mémoire de type racetrack). (b) Fonctions de transmission obtenues via le formalisme des fonctions de Green hors équilibre (NEGF) pour l’état ferromagnétique (en noir) et l’état de Skyrmion de type Néel (en rouge) ainsi que la NCMR correspondante (en rouge). La NCMR obtenue dans l’approximation de Tersoff-Hamann (TH) (en noir) est présentée pour comparaison.
Grâce à une collaboration entre les scientifiques du CEMES-CNRS et de l’Université de Kiel en Allemagne, il vient d’être démontré que la détection entièrement électrique des skyrmions est possible dans des jonctions tunnel à base d’aimants 2D de vdW (voir Fig. 1a) et sa mise en œuvre dans ces dispositifs devrait être simple. Leurs résultats sont publiés dans la revue Nano Letters [1].
Ils ont proposé une jonction tunnel basée sur l’interface vdW Fe3GeTe2/germanène, où l’on peut stabiliser des skyrmions de moins de 10 nm sans champ magnétique, comme démontré par leur publication précédente [2]. Une magnétorésistance non colinéaire (NCMR) extrêmement grande, de plus de 10 000 %, a été prédite pour la jonction tunnel de vdW graphite/Fe3GeTe2/germanène/graphite, en présence d’un skyrmion dont la structure magnétique a été prise en compte à l’échelle atomique. La NCMR est plus de deux ordres de grandeur plus grande pour ce système que pour des interfaces conventionnelles à base de métaux de transition.
D’un point de vue fondamental, ces résultats ont été interprétés en termes du mélange des états de spin-up et -down et de la symétrie des états électroniques concernés. L’utilisation des fonctions de Green hors d’équilibre (NEGF) s’est montrée essentielle pour décrire correctement le transport électronique dans ces jonctions tunnel, allant bien au-delà de l’approximation de Tersoff-Hamann (TH) (voir Fig. 1b). D’un point de vue applicatif, leurs calculs sont un premier pas vers la détection électrique des skyrmions individuels dans des jonctions tunnel 2D de vdW, avec une méthode peu consommatrice d’énergie.
Publications :
[1] Proposal for all-electrical skyrmion detection in van der Waals tunnel junctions
Dongzhe Li, Soumyajyoti Haldar, and Stefan Heinze
Nano Lett. (2024)
https://doi.org/10.1021/acs.nanolett.3c04238
[2] Strain-driven zero-field near-10 nm skyrmions in two-dimensional van der Waals heterostructures
Dongzhe Li, Soumyajyoti Haldar, and Stefan Heinze
Nano Lett. 22, 7706–7713 (2022)
https://doi.org/10.1021/acs.nanolett.2c03287
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