Un mécanisme complexe de plasticité observé dans les métaux

Une autre façon d’observer les joints de grains dans les polycristaux

11 décembre 2025

Dans les métaux à petits grains, la déformation plastique usuelle est remplacée par de nouveaux mécanismes impliquant les interfaces entre domaines cristallins, les joints de grains. Dans une récente étude, des chercheurs observent pour la première fois à l’échelle d’un vaste ensemble de grains dans l’aluminium le couplage entre le mouvement des joints et la déformation macroscopique du métal.

En tant que matériaux cristallins, les métaux sont composés de domaines cristallins séparés par des interfaces, les joints de grains. La plupart du temps, la déformation plastique des métaux implique, pour éviter la rupture, la nucléation et la propagation à l’intérieur des grains de défauts linéaires nanométriques, les dislocations. Depuis une vingtaine d’années et la possibilité d’élaborer des matériaux à très petits grains (de l’ordre du micron et en dessous), de nouveaux mécanismes de plasticité ont été découverts. En raison de la difficulté à créer des dislocations, la plasticité se développe dans ces matériaux préférentiellement aux joints de grains, en particulier par un mécanisme couplant déformation et migration des joints. Bien que ce mécanisme ait été décrit à la fois expérimentalement et théoriquement à l’échelle d’une interface, son importance à l’échelle collective d’un grand nombre de grains était encore peu documentée.

Pour atteindre une description pertinente de cette échelle, une équipe internationale menée par le CEMES de Toulouse a combiné des essais mécaniques en température, des mesures de déformation et des cartographies montrant le déplacement des joints de grains dans de l’aluminium à grains ultrafins. Ces mesures s’appuient en particulier sur des observations à la fois en microscopie à force atomique et en microscopie électronique. Elles montrent que la déformation provoquée par le mouvement des joints se déroule de façon prépondérante, quelle que soit la nature de l’interface, mais est bien moins efficace que les modèles théoriques ne le prédisaient. Ceux-ci considéraient en effet rarement la présence de défauts particuliers, appelés disconnections, qui se déplacent le long des joints. Or, les observations expérimentales suggèrent que ces disconnections sont plus variées que prévu et opèrent probablement de concert avec la diffusion à haute température, contrairement à ce qui était supposé auparavant.

Ce travail pourrait expliquer certaines déformations post traitements thermiques de pièces industrielles et donc palier à ces défauts de production des métaux et alliages. Il permet surtout de changer de perspective sur les joints de grain dans les métaux qui ne doivent plus être considérés comme des défauts élémentaires, mais comme des réseaux cristallins particuliers, portant leurs propres défauts, qui à leur tour, influencent le comportement du joint.

Aluminium à grains ultra-fins observé en Microscopie Electronique à Transmission montrant une fissure se propageant dans une zone où tous les domaines cristallins d’orientation différentes (les “grains”) sont identifiés par une couleur. En se déplaçant, les interfaces entre ces domaines (les “joints de grains”) portent une petite déformation qui peut émousser la fissure.

Contacts :
Marc Legros | marc.legros[chez]cemes.fr
Frédéric Mompiou | frederic.mompiou[chez]cemes.fr

Publication :
Quantifying grain boundary deformation mechanisms in small-grained metals
R. Gautier, F. Mompiou, O. Renk, C. Coupeau, N. Combe, G. Seine, and M. Legros
Nature, 648, pages 327–332 (2025)
DOI: https://www.nature.com/articles/s41586-025-09800-7

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