L’élucidation simplifiée de mécanismes de déformation inspire le design de nouveaux alliages
19 octobre 2023
L’élucidation des mécanismes de déformation à l’échelle nanométrique est souvent déterminante pour conduire au design de nouveaux alliages. Contrôler les mécanismes de déformation à chaud de l’intermétallique TiAl permettrait, par exemple, de déboucher sur des alliages à fort potentiel dans l’aéronautique. Pour y contribuer, les approches émergentes de tomographie électronique s’avèrent très prometteuses, selon des résultats récents obtenus par le CEMES de Toulouse et le CINaM de Marseille.
Les mécanismes de déformation à chaud dans les métaux, loin d’être tous interprétés à ce jour, pourraient être élucidés avec une facilité accrue grâce aux approches de reconstruction en trois dimensions. Dans le cas de TiAl, ceci pourrait être particulièrement attractif pour inspirer le design de nouveaux alliages, dans la course à l’allègement de pièces chaudes dans les moteurs d’avions. L’enjeu serait ainsi de limiter le mouvement des défauts cristallins linéaires contrôlant la déformation indésirable des pièces, à savoir les dislocations.
Pour cela, il est nécessaire de déterminer si le déplacement de la ligne de ces défauts s’effectue par sauts successifs dans le potentiel cristallin (glissement), ou par piégeage de lacune (montée), afin de sélectionner les éléments d’alliage freinant le plus efficacement ces mécanismes. Or, l’identification du glissement ou de la montée par les méthodes conventionnelles de microscopie électronique en transmission (MET) est très contraignante, les porte-objets limitant l’observation des dislocations à un domaine angulaire restreint.
La tomographie électronique, en permettant la reconstruction en 3D de volumes nanométriques et leur visualisation sur 360°, a levé cet obstacle de manière spectaculaire. Cette technique est apparue en 2006 pour l’observation délicate des dislocations, et a été reprise par la suite à l’UMET de Lille par A. Mussi, mais les équipes du CEMES et du CINaM ont développé une approche originale, permettant notamment de descendre jusqu’à des résolutions latérales ultimes (10 nm).
Pour parvenir à des reconstructions tomographiques d’une telle précision, l’étape clef a consisté à aligner autour d’un axe d’inclinaison commun, avec une précision inférieure au pixel, des séries allant jusqu’à 100 images. L’idée proposée a été d’adapter des techniques de reconnaissance et de suivi de points de repères, venant des sciences de la vie, à l’alignement d’images par itérations successives. Ceci permet d’orienter dans l’espace les plans de déplacement des dislocations aisément et avec une grande précision, et d’identifier ainsi des mécanismes de montée ou de glissement (cf. Figure 1).
Grâce à ce type d’observations, il sera possible de sélectionner les éléments d’alliage freinant le plus efficacement les dislocations, comme le tungstène et le molybdène pour la montée, ou le carbone et le silicium pour le glissement. La vision en 3D s’avère ainsi particulièrement prometteuse pour aller plus loin dans le design de nouveaux alliages, en permettant des investigations beaucoup plus systématiques.
Fig. 1. Elucidation de mécanismes de déformation dans TiAl à 900°C, grâce à la vision en 3D sur 360°. (a) Volume de dimensions nanométrique contenant deux boucles de dislocations. (b-c) Visualisation du volume selon différents angles, permettant d’identifier des plans cristallographiques de glissement et de montée pour ces deux dislocations.
Publication :
Habit planes of climbing and gliding dislocations in TiAl determined in three dimensions by electron tomography
J.P. Monchoux et D. Ferry
Scripta Materialia 236 (2023) 115679
https://doi.org/10.1016/j.scriptamat.2023.115679
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Jean-Philippe Monchoux | jean-philippe.monchoux[chez]cemes.fr