Nanoparticules cœur@coquille polycristallines, un nano-puzzle en 3D

Assembler du fer, de l’or et de l’argent, c’est une question de symétrie

14 décembre 2023

Associer sous ultravide du fer, de l’or et de l’argent peut conduire à l’autoassemblage d’une coquille polycristalline d’alliage AuAg, en épitaxie sur un cœur monocristallin de fer en forme de dodécaèdre rhombique tronqué. Les 18 grains de la coquille s’emboitent entre eux et autour du cœur, comme dans un nano-casse-tête en trois dimensions dont il existe, sur le papier, 186 solutions différentes, réparties dans 13 groupes ponctuels de symétrie.

Associer du fer (de structure bcc) avec des métaux nobles (de structure fcc) peut conduire à des nanoparticules présentant un ordre chimique cœur@coquille, grâce à la conjonction d’un gap de miscibilité, des différences d’énergie de surface, et de l’existence de deux relations d’épitaxie.

Nous avons ainsi élaboré des nanoparticules Fe@AuAg dans le bâti Mantis, par le dépôt sous ultravide de fer, suivi du dépôt d’or et d’argent, et étudié leurs structures avec le support du Centre de Microcaractérisation Castaing. Nous avons observé que le fer peut prendre la forme d’un dodécaèdre rhombique tronqué recouvert par une coquille polycristalline d’alliage AuAg. La coquille est agencée en autant de nano-grains que le cœur de fer a de faces, soit 18 grains, dont 6 en relation d’épitaxie cohérente (Bain) avec le fer et 12 en relation d’épitaxie semi-cohérente (Nishiyama-Wasserman) avec le fer. Les grains de types différents sont joints entre eux par un nombre égal de macles et de joints de faible désorientation (LAGB).

Comprendre, prédire et classer les morphologies possibles de ces nanoparticules s’apparentent alors à résoudre un puzzle nanométrique en trois dimensions, dont les pièces sont les nano-grains et le cœur : les pièces doivent s’emboiter en permettant l’accommodation des réseaux cristallins, non seulement entre les grains (fcc) et le cœur (bcc), mais aussi entre les grains eux-mêmes.

Une analyse de symétrie montre qu’il existe, sur le papier, 186 solutions possibles à ce puzzle, réparties en 13 groupes ponctuels de symétrie, tous d’ordre inférieur à la symétrie du cœur (plus haute symétrie cubique). L’origine de la rupture de symétrie est la relation d’épitaxie Nishiyama-Wasserman (NW) à chacune des 12 interfaces concernées.

Une conséquence majeure est qu’une population de ces nanoparticules présentera une variabilité de morphologie et de symétrie. En cas de distribution aléatoire de la rupture de symétrie à chaque interface NW, 80% des nanoparticules seront asymétriques. L’extension de cette approche permet également d’expliquer la dissymétrie spectaculaire de la coquille qui a été observée dans des nanoparticules Fe@Au dont les cœurs ont des formes plus irrégulières.

Analyse d’une nanoparticule Fe@AuAg observée en section, et trois reconstitutions possibles de sa morphologie, appartenant aux groupes de symétrie 3, m ou 1, seuls compatibles avec l’observation expérimentale. Les patrons sont des développements d’une interface en forme de dodécaèdre rhombique tronqué. Les flèches blanches symbolisent les ruptures de symétrie, et les hexagones de même couleur sont symétriques entre eux. Les nuances de jaune symbolisent la morphologie des grains de la coquille.

Publication :
Morphology and symmetry driven by lattice accommodation in polycrystalline bcc-fcc core-shell metallic nanoparticles
A. Ponchet, N. Tarrat, T. Hungria, M. Benoit, M.-J. Casanove, and P. Benzo
J. Appl. Phys. 134, 205301 (2023)
https://doi.org/10.1063/5.0169818

Contact :
Anne Ponchet | anne.ponchet[chez]cemes.fr
Patrick Benzo | patrizio.benzo[chez]cemes.fr

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